Jacques d’Échirolles – Légendes

Il existait de façon certaine un culte à saint Jacques dans la région, matérialisé par un pèlerinage annuel à Saint-Jacques d’Échirolles où se rendaient pieds nus les consuls et édiles de la ville de Grenoble chaque 25 juillet – jour de la fête patronale de l’apôtre – pendant plusieurs siècles, pour protéger la ville des inondations du Drac. Ce culte aurait démarré à la fin du XIe siècle autour de la tombe de saint Jayme – ou Jesme – à Echirolles située devant l’ancienne église sous le vocable saint Jacques l’apôtre, église peut-être construite sur un ancien temple au dieu Mercure. Les consuls de Grenoble, sans doute en 1377 après les ravages du Drac de cette année, placent la ville de Grenoble sous la protection de Saint-Jacques l’apôtre et font un voeu d’un pèlerinage chaque 25 juillet à l’église Saint-Jacques d’Échirolles. Après l’intervention en 1488 de l’évêque de Grenoble qui tenta de mettre fin à des croyances non prouvées concernant l’identité du corps inhumé là, la dévotion se perpétua à l’intérieur de l’église dans laquelle se trouvait une chapelle dédiée à saint Jacques le Majeur, apôtre, et où le curé en fit réaliser une statue en bois. La culte s’arrêta à la Révolution où le mobilier de l’église fut dispersé. L’église fut détruite au XIXe siècle, en 1847, et cette histoire tomba à peu près complètement dans l’oubli de nos contemporains.

Sauf un tout petit reste d’entre eux…

Plusieurs légendes circulent au sujet de ce corps enterré à Échirolles dans une tombe très ancienne. Cet article recense simplement certaines de ces légendes sur ce Jacques inconnu, sans s’attarder sur leur plausibilité.

En 1863 la légende était restée encore bien vivante dans le coeur des habitants, comme le prouve ce récit de voyage d’E. de Toytot :

Le corps à Échirolles, la tête à Compostelle

« D’après une ancienne tradition répandue dans le Dauphiné et dans la Catalogne, [la tête de Saint Jacques qui est à Compostelle] y aurait été portée par un seigneur du Graisivaudan vers la fin du 11ème siècle, et ce serait celle d’un saint Jacques dont le corps était à Échirolles près de Grenoble. On raconte que plusieurs pèlerins firent exprès le voyage d’Espagne à Grenoble pour y vénérer le corps de ce saint[1] ». Ainsi s’exprime l’ancien archiviste de l’Isère, J.-J.-A. Pilot de Thorey en 1829. Pilot localise le tombeau, « devant l’église », y décrit son ouverture de nuit (12 mai 1488) et son contenu : un corps sans tête, sous une voûte, avec peu de mobilier funéraire (une urne en terre). Ces éléments ont probablement été repris par Pilot d’un texte beaucoup plus ancien et détaillé publié par Nicolas Chorier en 1672 que nous étudierons plus en détail dans un autre article.

Dans un autre ouvrage, le même J.-J.-A. Pilot de Thorey explique dans son livre Usages Fêtes et Coutumes en Dauphiné que Jacques était un « pèlerin qui mourut et fut enterré en ce lieu au commencement du neuvième siècle », et que les habitants de ce village prétendaient « néanmoins qu’ils devaient posséder, non pas le corps d’un pèlerin, mais celui de l’apôtre S. Jacques ».

Un saint reconnu (mais différent de l’apôtre) et dont la tête serait à Compostelle

Un autre historien du Dauphiné, le célèbre Nicolas Chorier[4], mentionne dans son ouvrage publié en 1672 que cette histoire était connue jusqu’en Galice, à l’extrême Ouest de l’Espagne. « Des pèlerins qui avoient fait le voyage de Galice, avoient rapporté que cette opinion y avoir été si bien receuë, que l’on leur avoir témoigné de l’étonnement de ce qu’ils venoient de si loing pour rendre leurs voeux à ces saintes reliques, qui étoient avec plus de certitudes dans le Graisivodan, dont la tête de saint Jacques avait été portée en Espagne[5] ». Rapportant le voyage du comte Guigue en 1107 à Saint-Jacques en Galice, Chorier date l’origine du culte de Saint-Jacques à Échirolles : « Ce fut environ ce temps là que cette dévotion commença. Jacques homme d’une sainteté reconnue, mais différent de l’apôtre, que tous les anciens martyrologes disent être mort dans l’Asie, avait été enterré au devant de l’église d’Échirolles à une lieue de Grenoble, et sa mémoire y était honorée, mais sa tête avait été portée en Galice, et les Espagnols n’avaient pas fait difficulté de l’attribuer à saint Jacques l’apôtre pour lui acquérir plus de vénération, et à son pays plus de gloire[6] ».

Histoire Générale du Dauphiné, Nicolas Chorier, 1672,
Livre I, Chap. VIII, page 14
Histoire Générale du Dauphiné, Nicolas Chorier, 1672,
Livre I, Chap. VIII, page 15

Jacques : un saint pèlerin (voire un ermite…) et revenant de Rome (voire de Terre Sainte…)

Dans son dictionnaire du Dauphiné, manuscrit de 1684 publié par H. Gariel en 1864, Guy Allard écrit que Jacques serait un « saint pèlerin revenu de Terre Sainte »[2] ou de Rome (cf extrait ci-dessus, page 692), dont on ne connaît pas le pays d’origine, et qui serait mort à Échirolles après s’y être construit un « petit ermitage[3] ».

Dictionnaire Historique du Dauphiné, Guy Allard, publié par H. Gariel, Grenoble 1864, Tome 1

Un corps ramené par les Templiers

Beaucoup plus récemment dans les années 1960/70, et sous l’égide du Centre Social d’Échirolles, un petit groupe de passionnés par l’histoire d’Échirolles et dirigé par Mlle Ruby et l’appui du Maire, de la municipalité et des habitants du village d’Échirolles écrivaient : « Ce terroir de l’ancienne commanderie possède une ancienne église paroissiale dédiée à saint Jacques le Majeur, où le peuple croit que son corps est inhumé dans une chapelle voûtée. Il aurait été apporté par les Templiers lorsqu’ils vinrent de Jérusalem ». Et encore ceci :  » Il y a dans son terroir une église paroissiale dédiée à saint Jacques le Martyr, où le peuple croit que son corps fut inhumé par les Templiers lorsqu’ils furent chassés de Jérusalem, dans une voûte sous terre, ne sachant l’endroit[7] ». Ces informations proviendraient des « archives de la commanderie de l’ordre de Malte d’Échirolles » sans plus de précision.

Pour situer chronologiquement ceci, la naissance des Templiers date de 1119, à Jérusalem. L’Ordre et la règle furent décidés au concile de Troyes en 1129. Le premier acte de leur fondation dans le Dauphiné date de 1132, avec la commanderie d’Avalon et les premiers dons des Dauphins du Viennois à la milice du Temple de Salomon. Le premier document connu les concernant à Echirolles (selon [7] page 86), citant le commandeur des Templiers d’Échirolles date de 1226. L’établissement des templiers à Échirolles est donc à situer entre ces deux dates, vers le début du XIIIe siècle (ou la seconde moitié du XIIe).


[1] Histoire de Grenoble et de ses environs, depuis sa fondation sous le nom de Cularo jusqu’à nos jours, par J.J.A. Pilot, Chez Baratier Frères, Grenoble 1829 pp 275-276

[2] Dictionnaire Historique du Dauphiné, Guy Allard, publié par H. Gariel, Grenoble 1864, Tome 1, p. 411

[3] Ibid. P. 692

[4] Histoire générale de Dauphiné, Nicolas Chorier, avocat au parlement de Dauphiné, chez Jean Thioly, Lyon 1672

[5] Histoire Générale du Dauphiné, Nicolas Chorier, 1672, Livre I, Chap. VIII, page 15.

[6] Histoire Générale du Dauphiné, Nicolas Chorier, 1672, Livre I, Chap. VIII, page 15.

[7] A la découverte du Vieil Échirolles, Editions des Cahiers de l’Alpe, publiée par la Société des Ecrivains Dauphinois, La Tronche-Montfleury, 1970

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